QPC Mai 2017

OBSERVATIONS sur l’avis du Ministère Public ( Olivier AUFERIL)

             Cour d’appel de Paris, RG 15/04803- 15/07678

             Jacques BIDALOU c/ Agent Judiciaire de l’Etat

En introduisant l’article 61-1 dans la Constitution pour apporter au justiciable le droit constitutionellement garanti de soulever une question prioritaire de constitutionnalité, le Peuple constituant a pris soin  de définir des règles simples, celles définies par le Législateur organique du 10 décembre 2009 dans les articles 23-1 et 23-2., soit :

  • présentation de la QPC dans un écrit distinct et motivé ( a. 23-1)

  • et conditions devant être remplies pour la transmission de cette QPC à la Cour de Cassation ou au Conseil d’Etat) :

          1°- la disposition contestée est applicable au litige ou la

                   procédure, ou constitue le fondement des poursuites

           2°- elle n’a pas été déclarée conforme à la Constitution

                  dans les motifs et le dispositif d’une décision du

                   Conseil constitutionnel, sauf changement de

                   circonstances

          3= la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

Légalement appelé à donner son avis, sur une QPC manifestement  présentée dans un écrit distinct et motivé, le Ministère Public a cru pouvoir y ajouter une « sophistique » totalement étrangère à la volonté du législateur  constituant .

C’est ainsi que s’il n’a tout de même pas osé faire le reproche  au requérant d’avoir visé l’article 64 de la Constitution sans préciser qu’il s’agissait de la Constitution française du 4 octobre 1958 , il entend dénoncer l’imprécision qui lui apparaît grosse d’ équivoque— et emporterait selon lui  irrecevabilité du mémoire distinct et motivé —- dès lors que le requérant a visé l’article 16 de la Déclaration des droits , sans faire connaître s’il s’agit de l’article 16 de la Déclaration des droits du 26 août 1789 ou de l’article 16 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme !

Peu  importe assurément au représentant du Ministère Public, M. l’avocat général Olivier AUFERIL,  que la Convention européenne ne comporte pas de Déclaration des droits et que son article 16 soit de surcroît  relatif aux étrangers,   pour M. l’avocat général Olivier AUFERIL, en toute impartialité sans équivoque,  la cause est entendue, c’est celle de l’irrecevabilité !

… Quitte pour lui à  à devoir encore ajouter que les « 19 pages confuses du mémoire de M.  BIDALOU » ne répondent  pas non plus à l’exigence de motivation posée à l’article 23-1 de la loi organique du 10 décembre 2009 !

… Qui ne veut pas faire l’ange, fait la bête !

Faut-il rappeler ( avec Marc  GUILLAUME, secréraire général du Conseil Constitutionnel) qu’en  introduisant dans le procès le droit des parties  de soulever une question prioritaire de constitutionnalité, le Législateur voulait inciter les juges et procureurs à veiller sur le triple objectif de :

  • donner un droit nouveau au justiciable en lui permettant de faire valoir les droits qu’il dire de la Constitution

  • purger l’ordre juridique des dispositions inconstitutionnelles

  • assurer la prééminence de la Constitution dans l’ordre interne

C’était là  vouloir encourager  la réflexion juridique à privilégier la recherche de la bonne administration de la justice pour  fortifier ainsi cet objectif à valeur constitutionnelle.

Mais visiblement, pour M. l’avocat général Olivier AUFERIL, il doit s’agir  surtout  de dresser des barrages artificiels à l’exercice d’un droit constitutionnellement garanti !

… Le Législateur a voulu tirer l’autorité judiciaire vers le haut, mais M. l’avocat général Olivier AUFERIL entend la tirer vers le bas.

Et après de tels errements inutiles  dans la sophistique,  quelle satisfaction doit être  assurément la sienne  de pouvoir examiner ensuite les trois conditions de la transmission  qu’ à titre subsidiaire… !  « subsidiairement » !

Mais on n’a encore rien vu !

Ce représentant du Ministère Public qui s’est dit incapable de discerner dans les « 19 pages rédigées en termes confus  du mémoire de M. BIDALOU », comment les deux articles contestés seraient à la fois applicable au litige et contraire aux dispositions constitutionnelles visées,   va soudainement s’avérer suffisamment informé pour déclarer que « les articles contestés n’ont pas déjà été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel » !

Ayant ainsi dévoilé —-à l’insu de son plein gré—-  qu’il a tout de même  parfaitement compris quels sont  les deux articles de loi contestés, soit les articles 7 et 12-2 du  Statut de la Magistrature, M. l’avocat général va cependant aussitôt se livrer à une entreprise de contrebande pour laisser entendre  que ce sont les dispositions de  l’article L 141-1 du Code de l’Organisation Judiciaire dont M. BIDALOU mettrait  en cause la constitutionnalité, alors que ni la durée du contentieux relatif à l’application de l’article 7 , ni la composition du dossier professionnel du magistrat relatif à l’application de l’article 12-2  ne sauraient avoir d’incidence en la cause !

Il s’agit de fait  pour le Ministère Public de ne surtout pas admettre que par sa question prioritaire de constitutionnalité, le requérant met justement en question  constitutionnelle l’absence de voies de recours dans le Statut de la magistrature ( ordonnance 58-1270)  pour assurer les droits  statutaires que garantissent justement ces articles 7 et 12-2 , d’une protection juridictionnelle effective ,  et écarter ou réparer  ainsi  les dommages d’un fonctionnement lourdement défectueux du service de la justice dans la mise en œuvre de ces articles.

Et pour conforter l’incohérence manifeste d’une telle démarche, le Ministère Public, pense  alors pouvoir s’en rapporter à l’ordonnance rendue le 9 mai 2013 par le juge de la mise en état devant la juridiction du premier degré.

Il est très clair là-dessus, même s’il ne pourra apporter  aucune démonstration  : « …En revanche, ainsi que le premier juge l’a décidé , conformément à l’avis du Procureur de la République sur ce point, ces articles ne peuvent être tenus pour applicables au litige … »

Il ne faudrait pas qu’invité par l’article 23-2 alinéa 2 de l’ordonnance n. 2009 -1523 du 10 décembre 2009,   à donner son  avis sur une question de constitutionnalité, le Ministère Public puisse s’imaginer pouvoir s’en tenir  à délivrer seulement des directives et des diktats !

Il reste certes logique,   en cause d’appel,  s’agissant d’une QPC qui a déjà été soulevée devant le juge du premier degré, de nourrir la réflexion en revenant sur ce qui a déjà pu être jugé par les premiers juges.

Mais il faut  alors constater que :

  1. la QPC étant un moyen de fond, il n’est pas certain que la décision prise le 9 mai 2013 par le seul  juge de la mise en état du TGI Paris, 1ère chambre,  puisse être tenue pour déterminante ou même pertinente.

  2. b) au demeurant , ce juge de la mise en état , très sympathique certes mais peu à l’aise avec les principes du droit constitutionnel ,  a totalement méconnu la garantie statutaire  qu’établit l’article 12-2 de l’ordonnance 58-1270, lorsqu’il relève  que « le droit, pour un magistrat d’accéder à son dossier administratif, pourrait tout au plus s’analyser en une liberté publique  « étant donné que le Conseil d’Etat a consacré comme telle le droit d’accès aux documents administratifs » ( sic !)

Il faut d’ailleurs observer que le législateur organique du 25 février 1992 a modifié ledit article 12-2   et qu’en 1992 le législateur organique de 1992 était assurément plus conscient de la question des voies de recours que le législateur organique de 1958 ( qui s’en était tenu à exclure  toutes voies de recours contre les décisions du CSM) . Et si cet article 12-2 dans son deuxième alinéa pose le principe de l’accès du magistrat à son dossier, il pose une garantie statutaire ne relevant que de la compétence du législateur organique , même s’il renvoie à la loi pour la définition des conditions d’accès. prin  C’est pourquoi l’article 12-2 a précisé que « tout magistrat a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi ».

¨Prenant une garantie statutaire du magistrat pour une simple « liberté publique »  le juge de la mise en état a cru  pouvoir renvoyer sa compétence juridictionnelle en matière de communication de pièces,  sur la Commission administrative d’accès aux documents administratifs ( CADA) , mais il a ainsi  sabordé l’article 16 de la Déclaration de 1789 qui implique le respect du caractère spécifique des fonctions juridictionnelles sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement, mais il a  permis de vérifier en la cause  que la simple intervention de la CADA sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978 était insuffisante à assurer une  protection juridictionnelle effective  du droit d’accès du magistrat à son dossier administratif …. Le jugement dont appel du 28 janvier 2015 a ainsi finalement  été rendu sans que le requérant puisse disposer de son dossier administratif de magistrat alors même qu’était  en cause l’effectivité  de ses droits statutaires de magistrat !

… En l’état, le scandale demeure d’ailleurs devant le juge du second degré puisque le requérant reste toujours interdit d’ accès à son dossier individuel —- censé comprendre toutes pièces intéressant sa situation, précisément répertoriées.

Devant la juridiction du premier degré, le juge de la mise en état dont l’avocat général Olivier AUFERIL croit pouvoir s’inspirer,  aura donc en violation totale  du Statut de la Magistrature, affirmé que l’accès à son dossier par un magistrat ne constitue pas un droit ou une liberté garantis par l’article 61-1 de la Constitution ( sic !)  , pour refuser de transmettre la QPC soulevée par Jacques BIDALOU sur la conformité des dispositions de l’article 12-2 aux droits et libertés garantis par la Constitution —- et cela sans jamais s’interroger sur l’incompétence négative du Législateur organique que reprochait le requérant à cet article 12-2 , notion à part entière du contrôle de constitutionnalité mais visiblement peu maniée devant les juridictions du ressort de la Cour d’appel de Paris .

En revanche, ledit  juge de la mise en état va curieusement bien vouloir admettre que l’installation imposée par l’article 7 étant ce qui permet à un magistrat l’exercice effectif de ses fonctions, elle est une composante spécifique et essentielle du statut de la magistrature.

Mais c’est pour ajouter aussitôt, abrité derrière l’avis du Ministère Public et les conclusions de l’Agent Judiciaire de l’Etat que cet article 7 n’est pas applicable au litige portant sur la responsabilité de l’Etat pour dysfonctionnement du service public de la justice .

… C’est entrer dans le royaume de l’absurdité au poste de commandement, où il n’y a plus obligation de motivation et de responsabilité !

Mais en la cause,  de quel fonctionnement défectueux de la justice s’agit-il ?

De celui qui a pu autoriser la cour d’appel de Versailles , par son arrêt du 7 février 2008, a déclaré irrecevable— après 26 années de « réflexion » !—- l’appel formé par Jacques BIDALOU contre le jugement rendu le 21 janvier 1982 du TGI Thionville statuant en audience solennelle d’installation en application des dispositions de l’article 7 du Statut de la Magistrature , pour décider après délibéré de rejeter les conclusions d’intervention du requérant faisant valoir son décret de nomination du 17 janvier 1978,  et de  dresser procès-verbal de l’installation de M. WEIER, nommé par un décret postérieur  du 5 janvier 1982 !

Cette disqualification d’une garantie statutaire du magistrat—-  telle qu’elle reste définie   par le Législateur organique intervenant en application de l’article 64 de la Constitution —-  en simple mesure d’administration judiciaire, ne peut que traduire une  volonté intentionnellement malsaine, et intellectuellement désaxée,  d’interdire l’exercice d’une voie de recours contre le jugement d’installation  dont s’agit… qui a été  rendu, il faut le redire,  sur délibéré collégial des magistrats siégeant à une audience solennelle composée suivant les prescriptions du code de l’organisation judiciaire.

C’est véritablement interdire l’exercice effectif d’une voie de recours permettant d’en appeler à la protection de l’autorité juridictionnelle, et c’est du même mouvement poser la question de la conformité des dispositions de cet article 7 aux effets si décisifs quant au droit d’exercice de ses fonctions par un magistrat, aux droits et libertés garantis par la Constitution , c’est poser la question de l’incompétence négative du Législateur organique qui manifestement n’a pas bien légiféré puisqu’il n’a prévu aucun recours effectif permettant la défense des garantie statutaires déterminées par cet article 7 du Statut de la Magistrature.

Ainsi donc, l’ordonnance du 9 mai 2012 qu’a pu rendre le juge de la mise en état est totalement inacceptable :

  • elle dénature la garantie statutaire de l’article 12-2 en simple liberté publique

  • elle rompt tout lien entre l’article 7 du statut de la magistrature et le contentieux justement déployé entre 1982 et 2008 pour contester par l’exercice de la voie d’appel la décision rendue le 21 janvier 1982 dans l’exécution de cet article 7, alors même que l’arrêt finalement rendu le 7 février 2008 établit le fonctionnement lourdement défectueux du service de la justice.

  • Elle nie et en tout cas passe outre à la garantie statutaire de l’accès au dossier administratif tel qu’il reste  posé par l’article 12-2 et exigé par l’article 64 de la Constitution.

Au demeurant, cette ordonnance rendue le 9 mai 2012 par le juge de la mise en état   s’alignait sur l’avis du Ministère Public près le TGI Paris  ( Mme Pauline CABY, Vice-Procureur)  qui, outre les habituelles remarques de confusion et d’imprécision qui sont si faciles à invoquer,  s’en était tenue  à faire valoir que « les articles 7 et 12-2 de l’ordonnance 58-1270 ne sont pas applicables au litige portant sur la responsabilité de l’Etat pour dysfonctionnement du service public de la justice »…

C’est nier par simple affirmation que l’incompétence négative du Législateur organique du 22 décembre 1958 qui a pu permettre que soit instaurée la garantie d’une installation en audience solennelle et encore la garantie pour le magistrat d’accès aux pièces du dossier administratif composé suivant les garanties statutaires de l’article 12-2 , est au fondement même de la procédure d’appel diligentée par Jacques BIDALOU à partir de l’année 1982 pour apprendre en 2008 que cette voie d’appel était dépourvue de toute effectivité et que c’est dans les dispositions de l’article 7 et de l’article 12-2 du Statut de la Magistrature que l’action en responsabilité civile engagée contre l’Etat sont celles-là même dont il faut examiner l’application dans la cause pour apprécier s’il y a effectivement dysfonctionnement du service de la justice !

  1. l’avocat général Olivier AUFERIL croit devoir au surplus faire reproche au requérant de n’avoir pas formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu le 7 février 2008 par la Cour d’appel de Versailles et fait valoir que  l’action en responsabilité entreprise par le requérant  s’analyse en réalité comme un moyen de contourner la procédure prévue pour la voie de recours.

Sic !

A l’évidence, si la Cour de cassation avait eu à statuer sur cet arrêt du 7 février 2008, elle aurait eu à dire pour droit si l’appel formé par le requérant contre le jugement d’installation du 21 janvier 1982 était effectivement irrecevable car formé contre une décision d’administration judiciaire… ce qui emportait donc la nécessité pour la Cour suprême de dire pour droit la nature juridique de l’article 7 du Statut de la magistrature … preuve s’il en était besoin que l’article 7 est bien une disposition applicable tant dans la procédure d’appel jugée le 7 février 2008 par la Cour d’appel de Versailles que dans la présente procédure d’appel contre le jugement rendu le 28 janvier 2015 par la Cour d’appel de Paris.

 

Faut-il vraiment que la procédure de QPC serve à dissimuler l’évidence, à faire reproche d’avoir visé « la Déclaration des Droits » sans préciser qu’il s’agit bien de la  Déclaration des droits du 26 août 1789 »  ou à nier que le contentieux en cause porte bien sur la garantie statutaire de l’installation prévue par l’article 11 du Statut de la Magistrature ( dans son exécution fautive…d’où la procédure d’appel diligentée devant la  cour d’appel de Versailles … comme dans la réparation de son exécution fautive … d’où la présente procédure diligentée devant la Cour d’appel de Paris).

S’il est bien une QPC que les magistrats devraient trouver sérieuse et nécessaire de voir résoudre par le Conseil Constitutionnel, c’est bien celle de l’absence dommageable de mention  des voies de recours dans le Statut de la Magistrature.

Par ces Motifs

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